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Marie-Claire Conton, bénévole
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Marie-Claire lutte contre la précarité énergétique

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Marie-Claire Conton, bénévole au Secours Catholique depuis 1998 et actuelle responsable de l’équipe du Multien est aussi « tiers de confiance » pour REH, une association du réseau Caritas France, qui lutte contre la précarité énergétique. Elle livre un témoignage poignant de l'histoire de Laure.

Peux-tu nous raconter d’où tu viens et quelques étapes de ton parcours de vie ?
Je suis née à Compiègne dans l’Oise il y a  58 ans. Mes parents étaient agriculteurs. On est une famille très nombreuse, j’ai sept sœurs et deux frères. Je suis la petite dernière ! On a tous grandi à la ferme où on a appris à être solidaires et bienveillants les uns envers les autres. Pendant les grandes vacances, ma mère organisait des journées d’activités manuelles et des jeux dans les bâtiments de la ferme pour les enfants du village, sous la surveillance de mes grandes sœurs qui jouaient les monitrices, c’était très joyeux !
J’ai fait une formation pour être diététicienne, métier que j’ai exercé pendant quelques années. Ensuite, j’ai rencontré mon mari Gilles. Mon mari voyage beaucoup avec son travail, alors à chaque fois il m’a demandé et j’ai accepté de le suivre à l’étranger : en tout on a vécu 13 ans dans 4 continents : Seychelles, Macao, Maroc, Brésil, Guadeloupe …
Nous avons trois filles qui ont aujourd’hui, 31 ans, 30 ans et 22 ans.

Depuis quand es-tu engagée dans une mission bénévole ?
Comme Obélix dans la marmite de potion magique, je dirais que je suis « tombée » dans le bénévolat depuis l’enfance en voyant mes parents s’investir dans plusieurs associations. Je suis bénévole au Secours Catholique depuis 1998 (en dehors de nos périodes d’expatriation). Trésorière de 2006 à 2013, je suis maintenant responsable de l’équipe du Multien dans le sud de l’Oise, proche région parisienne.
Notre local est organisé en boutique solidaire où on vend des vêtements très peu chers, et où les gens peuvent venir discuter et trouver un peu de chaleur humaine autour d’un café.

Comment s’est passée ta rencontre avec Réseau Éco Habitat ?
Dans l’Oise, au Secours Catholique, on a la chance d’avoir un « référent précarité énergétique » local, Jean-Luc Dechoux, qui agit en interaction avec Réseau Éco Habitat et les bénévoles pour aider au repérage des familles en grande précarité énergétique.
En 2018, Jean-Luc est venu me voir dans mon équipe du secours Catholique à Betz, dans le sud de l’Oise, pour me signaler trois familles propriétaires, en grande précarité énergétique, dont celui de Laure.

Peux-tu nous raconter l’histoire de Laure que tu as accompagnée comme « tiers de confiance » ?
L’histoire de Laure est celle d’une femme à qui la vie a envoyé beaucoup d’épreuves. 
Au début, tout va bien, elle s’installe avec son mari et leur petit garçon. Ils font construire une maison, dans un village du sud de l’Oise, à la lisière de l’Ile-de-France. Un deuxième enfant arrive, mais elle est très malade et doit subir une greffe de foie à l’âge de 2 ans. Un troisième enfant nait, quand subitement, le mari de Laure meurt d’une crise cardiaque. Laure doit élever seule ses trois enfants tout en travaillant comme aide-soignante dans un hôpital de la région parisienne, et gagne un salaire très modeste. À défaut d’isolation, Laure n’arrive pas à chauffer le pavillon et les factures d’électricité s’accumulent d’années en années.
Dépassée par la situation, Laure fait appel à une assistante sociale, puis à l’épicerie sociale. C’est à ce moment que notre équipe l’a rencontrée. Je suis allée la voir chez elle. Je lui ai dit que j’étais là en tant que bénévole, simplement avec ma bonne volonté, et que j’allais être comme « l’antenne » de Réseau Eco Habitat sur le terrain. Je lui ai dit qu’on allait essayer d’arranger les choses, parce que des solutions il y en a toujours.
Quant à leur maison, qui paraît correcte de l’extérieur, elle n’est pas du tout en bon état. Chauffée uniquement avec l’insert bois et des chauffages d’appoint, l’humidité dégrade de plus en plus l’intérieur. Son mari avait installé une cheminée, et avait le projet d’y faire d’autres travaux. Après son décès, Laure fait appel à des électriciens pour faire des réparations, mais hélas c’était des électriciens véreux qui l’ont escroquée.
L’association REH pose un diagnostic technique sur sa maison : les travaux de rénovation globale nécessaires sont évalués à 50 000 euros, qui pourront être financés en partie par l’Anah. L’association s’occupe d’aller chercher tous les financements possibles et imaginables, mais il y aura un « reste à charge » pour Laure de 10 %, soit 5000 euros, et c’est beaucoup trop lourd pour elle. Le microcrédit n’est pas possible pour elle avec sa banque.
En plus, un événement inattendu est venu compliquer le tout. Laure obtient début 2019 une augmentation de salaire. Elle est bien sûr très contente, et moi aussi ! Mais patatras ! son augmentation de salaire fait qu’elle change de catégorie fiscale pour l’administration, et donc pour l’Anah aussi : comme elle a droit à moins d’aides de l’Anah, il faut refaire tous les plans de financement, pour trouver plus d’aides complémentaires de la part d’autres financeurs publics, privés et caritatifs. Parmi eux, le Secours Catholique a participé à hauteur de 2 000 euros.
Finalement, après toutes ces péripéties, les travaux de rénovation ont enfin pu avoir lieu chez Laure au mois d’octobre et novembre 2019. Pendant les travaux, elle était vraiment en grand stress, et m’appelait tout le temps : elle avait été échaudée par sa mauvaise expérience avec les électriciens véreux, alors elle avait peur, elle avait vraiment besoin qu’on la rassure.

Le symbole de la cheminée :  
La cheminée de Laure était fendue et ne fonctionnait plus du tout, il fallait la remplacer par un meilleur système de chauffage (un poêle à granulés). Mais Laure ne voulait pas se séparer de cette cheminée, car posée par son mari dans sa maison, le souvenir était « sacré » pour elle.
Le coordinateur technique de Réseau Éco Habitat, et les artisans de l’entreprise, ont dû faire preuve de beaucoup de psychologie et de délicatesse, car c’était un sujet très sensible pour elle. 
Ils ont d’abord proposé une alternative, changer la position du poêle à granulés… Elle a pris beaucoup de temps pour y réfléchir. 
Pour aider Laure à prendre sa décision, je lui ai dit que son mari s’il était encore là, souhaiterait sans doute beaucoup plus voir sa femme enfin au chaud et en sécurité dans sa maison avec ses enfants, plutôt que voir une vieille cheminée qui ne faisait plus son office. Elle a énormément pleuré, mais enfin elle a pu prendre sa décision. À la fin, grâce à Réseau Éco Habitat, l’entreprise ont pu enlever la cheminée et mettre le poêle à granulés à la place.

En deux mots, comment résumerais-tu ce rôle de « tiers de confiance » ?
Être « tiers de confiance », c’est être en proximité avec la personne sans la juger, pour qu’elle se sente suffisamment en confiance, pour pouvoir l’aider à avancer sur son propre chemin.
Mais c’est aussi être très pragmatique, et remonter les manches en aidant par exemple à débarrasser la maison avant les travaux. 
Laure ne savait pas jeter, alors elle avait gardé toutes les robes de bébé de ses filles pendant toutes ces années : comme elles étaient en bon état, plutôt que de les jeter, je lui ai demandé de les récupérer pour la boutique solidaire du Secours Catholique, elle a dit OK. Et puis, j’ai fait beaucoup d’allers-retours avec ma voiture jusqu’à la déchetterie !
Laure a aujourd’hui énormément de reconnaissance, envers moi, et envers Réseau Éco Habitat. Elle dit simplement : « Merci ! Vous m’avez changé la vie !... »  

Que penses-tu de sensibiliser d’autres personnes à ce rôle de « tiers de confiance » ?
Oui bien sûr je le ferai avec plaisir, c’est important que d’autres puissent expérimenter ce rôle.
Et d’ailleurs, je dis souvent que si j’avais rencontré Réseau Éco Habitat plus tôt dans ma vie, j’aurais même envoyé mon CV pour pouvoir y travailler !

Propos recueillis par Catherine Ferrieux

Auteur et crédits
Photos © D.R.